Langeais

André Dauchez a fait quelques infidélités à la Bretagne, sa terre de prédilection. Langeais en est une, furtive rencontre de sa jeunesse ; l’artiste y réalisa deux eaux-fortes, et sûrement plusieurs dessins.
Les bords de Loire avaient séduit Maurice et Marie Le Liepvre, parents de Marie-Thérèse, qu’André Dauchez a épousée en 1898 ; ils y avaient acheté une propriété à Langeais, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Tours, et les Dauchez y séjournèrent régulièrement.

Les Dauchez venaient à Langeais chaque année, à Pâques, puis en septembre ou octobre, après les mois d’été passés en Bretagne : un vieil album en témoigne, photos jaunies et passées par le temps…

Guillaume, fils d’André et Marie-Thérèse, évoque quelques souvenirs de cette maison de Langeais :
« Elle était située sur la rive droite à une centaine de mètres environ en amont du pont. La route le long de la Loire étant surélevée en raison des crues, le jardin derrière la maison se trouvait en contrebas d’un étage par rapport au rez-de-chaussée dont le sous-sol était occupé par l’écurie, la cave et les ateliers de jardinage. Le jardin était bordé au nord par le talus du chemin de fer au pied duquel une maisonnette servait de logis à mon arrière-grand-mère, Madame Liégeard.
Le couloir de l’entrée principale séparait le rez-de-chaussée en deux parties. La salle à manger et la cuisine étaient à gauche, c’est-à-dire à l’ouest puisque la maison faisait face au midi, tandis qu’à droite, c’est-à-dire dans la partie est de la maison se trouvaient les chambres et le salon. On retrouve là une disposition assez générale dans les anciennes maisons de campagne, probablement parce que, avant l’éclairage électrique, on voulait profiter du soleil levant pour se lever et du couchant pour souper et veiller le soir. »

Langeais, dessin

Il n’y avait pas la mer, c’était la Loire, il n’y avait pas les dunes, c’étaient les côteaux de Touraine, mais il y avait les « vieilles pierres » d’une vieille bourgade, et c’est ce qui a inspiré l’artiste.
André Dauchez s’intéresse aux maisons de Langeais comme il s’est intéressé aux maisons du pays bigouden : il décrit consciencieusement les murets, les pignons, les toits, les cheminées d’un habitat resserré sur les bords du fleuve. Quelques arbres longent la levée de la Loire. Dauchez graveur manie la pointe sèche et souligne le jeu des ombres et de la lumière, le soleil qui illumine Langeais.

Vieilles maisons à Langeais, 1912, eau-forte

En observant plus précisément cette eau-forte, nous distinguons, dans le coin supérieur droit, le pont qui traverse la Loire. Ce pont suspendu fut construit entre 1846 et 1849, puis endommagé par un orage en 1859, volontairement détruit en 1870 pour empêcher le franchissement de la Loire par les troupes prussiennes, et à chaque fois relevé. C’est ce pont, reconstruit entre 1872 et 1874, qu’a connu André Dauchez. D’autres mésaventures l’affecteront par la suite et modifieront encore son aspect.

Le pont de Langeais, carte postale ancienne

La seconde eau-forte est très différente, une vue des côteaux surplombant la ville. Sur ces côteaux, un arbre attire d’abord l’attention, parmi les pieds de vigne. Nous repérons ensuite, au second plan, et au centre de la gravure, le château de Langeais, fidèlement représenté : les tours et tourelles, les fenêtres, les cheminées sont conformes aux vues que l’on connaît aujourd’hui. L’édifice date du XVe siècle, il a accueilli en 1491 le mariage royal de Charles VIII, roi de France, et de la duchesse Anne de Bretagne.

Langeais, 1912, eau-forte
Vue générale du château (site chateau-de-langeais.com)

Immédiatement à droite du château, le pont suspendu sur la Loire, précédemment évoqué. Puis le « donjon de Foulques Nerra », vestige du précédent château (Xe siècle), et encore l’église Saint Jean-Baptiste (XIe siècle, plusieurs fois remaniée par la suite).

En avril 1908, alors qu’ils font un voyage en Algérie, les Dauchez envoient des cartes postales à leurs enfants, confiés à la grand-mère Le Liepvre à Langeais :

Marie Le Liepvre se décide alors à vendre cette propriété, trop éloignée de Paris et de ses fils. Elle la remplace par une maison sur les bords de Seine, à Sainte-Assise, en Seine-et-Marne.

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