La Société Nationale des Beaux-Arts naît en 1890 d’une scission de la Société des Artistes Français : lassés de l’autoritarisme académique de la Société des Artistes Français, des Maîtres, tels Meissonnier, Puvis de Chavannes ou Rodin, ainsi que de jeunes artistes comme Lucien Simon, Gaston La Touche, Antoine Bourdelle, créent leur propre société, plus ouverte aux idées nouvelles, et un nouveau Salon au Champ-de-Mars. Le Salon sera transféré au Grand Palais en 1901.
André Dauchez rejoint la Société Nationale des Beaux-Arts en 1894, exposant sa dernière gravure de reproduction, Odalisque, d’après Benjamin-Constant, et deux premiers tableaux : Les joueurs d’échecs et Côte bretonne. Il restera fidèle à ce Salon jusqu’en 1936.
En 1895, André Dauchez devient membre associé de la SNBA, puis en 1896, Sociétaire, grâce au tableau Le pèlerinage, exposé au Champ-de-Mars.
En 1898, il est membre du comité du jury chargé de la sélection pour le Salon, avec Puvis de Chavannes, A. Besnard et J.J. Rousseau.
En 1923, une scission se produit au sein de la SNBA, conduisant à la création du Salon des Tuileries. Le Comité de la SNBA est alors renouvelé, André Dauchez en est élu membre ; il devient secrétaire du Comité en 1927.
par Hugues de Beaumont,
1932, huile sur toile
En 1931, après le décès de Jean-Louis Forain, il est élu Président de la SNBA, et réélu chaque année jusqu’en 1935. Son action consiste à redresser la Société, en déclin depuis quelques années, faisant revenir à la Nationale des artistes renommés, comme Maurice Denis, recrutant de nombreux jeunes artistes, et ouvrant plus largement le Salon aux artistes étrangers. Il œuvre ainsi au rajeunissement et à une plus grande ouverture de la Société.
« Le Salon de la Nationale est le premier que préside M. Dauchez. Il paraît plus vivant, plus décidé que les précédents. »
— 13 mai 1932, L’Intransigeant
« A la Société Nationale, l’accession de M. André Dauchez au fauteuil présidentiel a donné les plus heureux résultats. A l’encontre de son prédécesseur Forain – dont le talent n’est pas, bien entendu, en question – mais qui ne déploya qu’une activité relative en ce poste, M. Dauchez, aidé de ses lieutenants, MM. Hugues de Beaumont, Jaulmes, Goulinat, René Olivier, multiplie ses efforts, à l’effet de recruter des jeunes ; l’accueil qu’on leur accorde les encourage, et l’aspect du Salon en devient aussitôt plus chatoyant. »
— Louis Vauxcelles, 28 avril 1934, Le Monde illustré
A propos de ce nouveau Président, J.G. Goulinat écrira en 1938 dans la notice de réception de Dauchez à l’Académie des Beaux-Arts :
« Aussi, après la mort de Forain, sa longue carrière, son haut mérite artistique et sa droiture morale semblant le désigner pour ce poste, il est élu Président. Pendant cinq ans, se dépensant peut-être au-delà de ses forces physiques, il continue l’œuvre de renflouement commencée. »
En 1936, André Dauchez est évincé du fauteuil de Président par Lucien-Victor Guirand de Scevola. En effet, l’usage était que le Président soit réélu chaque année à main levée, sauf cas d’incapacité, jusqu’à sa mort. Depuis 1931, Dauchez a été réélu chaque année à l’unanimité. Or, huit jours avant l’élection, Guirand de Scevola lui propose d’accepter un titre de Président d’honneur, pour prendre lui-même le fauteuil de Président (il s’était déjà présenté sans succès en 1931). Soutenu par ses partisans fidèles, Dauchez refuse, mais Guirand de Scevola présente sa candidature. Voyant qu’un « complot » s’est organisé, Dauchez donne sa démission du Comité, et douze autres membres démissionnent à sa suite, tout en restant sociétaires. L’élection a lieu à bulletin secret ; Guirand de Scevola, seul candidat, est élu avec une minorité de voix.
« C’est avec une certaine amertume que je quitte la présidence de cette société que j’aimais… Il y a cinq ans que j’avais succédé à Forain, et dès ce moment ma place fut convoitée par M. Guirand de Scevola… Je n’ai pas voulu accepter dans ces conditions la présidence d’honneur que l’on m’offrait : c’eût été, de ma part, une déchéance… Devant la candidature qui s’opposait à moi, j’ai tout simplement donné ma démission. On comptait me consoler pour me débarquer… Lors de l’assemblée générale, on demandera peut-être des comptes aux intéressés, mais ce n’est pas moi qui tenterai quoi que ce soit pour atteindre ce but. Maintenant, je suis à la retraite ; et l’on m’a mis à la retraite sans pouvoir me faire un seul reproche. J’aurais préféré des reproches ! J’aurais mieux compris alors pourquoi on ne voulait plus de moi. »
— André Dauchez, décembre 1936
Les douze autres membres démissionnaires du Comité adressent alors une lettre collective à l’ensemble des membres de la SNBA :
« Mon cher camarade,
Il y a cinq ans, pour succéder à Forain, nul n’avait semblé plus digne de présider la Société nationale, que André Dauchez. Son grand talent, sa dignité morale, les services rendus à la Société, devaient faire de lui un drapeau inattaquable…
Cependant, malgré son inlassable dévouement, malgré le prestige qu’il a su conserver à la Société nationale, malgré l’accueil libéral qu’il a toujours réservé aux jeunes artistes, malgré l’excellence des liens qu’il a créés avec les autres sociétés, il s’est trouvé dans le conseil un certain nombre de membres pour vouloir retirer à Dauchez la présidence effective, contrairement à la tradition toujours respectée de notre Société.
Notre président, refusant la présidence d’honneur offerte à titre de compensation par ceux qui lui enlevaient son activité de chef, a donc donné sa démission.
Notre devoir était de le suivre.
A vous qui nous avez mandatés pour représenter la Société, nous devions exposer cette situation et expliquer la raison de notre retraite.
Veuillez, mon cher camarade, etc…
Signé : E. Bastien-Lepage, Hugues de Beaumont, J. Beurdeley, Ed. Chahine, H. Deluermoz, J.G. Goulinat, G. Jaulmes, Ch. Jouas, Ferdinand Olivier, René Olivier, P. Vaillant, Henri Vallette. »
Yves Brayer (1907-1990), jeune peintre, étoile montante de la SNBA, fait part de son point de vue :
« Exact ! Je n’exposerai pas cette année au Salon de la Nationale. Dauchez est un homme inattaquable, je me solidarise complètement avec les membres démissionnaires du comité. Dauchez et eux ont beaucoup fait pour les jeunes. Je l’ai vu moi-même lorsque, à deux ou trois reprises, j’ai appartenu au jury de la Nationale ; chaque fois, Dauchez et Goulinat ont défendu les jeunes d’une façon épatante, et les choses les plus audacieuses qui leur étaient présentées ont toujours trouvé chez les démissionnaires un accueil des plus larges. Cette année, nous serons au moins une dizaine de jeunes à ne pas exposer, sans compter les sociétaires et les associés. Tondu, Fontanarosa, par exemple, n’enverront rien au Salon. En somme, nous, les jeunes, restons d’accord avec les défenseurs des jeunes ! »
— 31 décembre 1936, Comoedia
Dauchez et ses partisans restent membres de la Société, mais refusent d’exposer au Salon de 1937. Ils organisent leur propre exposition, sous le nom de Groupe Indépendant de la Nationale. Ce Groupe prévoit une exposition en avril, regroupant une quinzaine d’artistes, dans une salle de la Galerie Charpentier. Mais le Groupe s’étend rapidement : ils sont finalement près de deux cents artistes, et tout l’Hôtel Charpentier doit être loué. L’exposition rassemble de nombreux artistes reconnus, dont six membres de l’Institut (les peintres Lucien Simon, George Desvallières, Maurice Denis, Henri Le Sidaner, René-Xavier Prinet, Hugues de Beaumont…), des jeunes (Yves Brayer, Albert Decaris, Charles Blanc, Gérard Ambroselli…), ainsi que des sculpteurs (Jean Dampt, Henri Vallette…). Mme Forain, veuve de l’ancien Président, expose aussi un portrait, apportant ainsi son soutien au Groupe Indépendant. L’exposition est inaugurée par Georges Huisman, directeur général des beaux-arts.
« Protestataires ou dissidents ? – Les amis de M. Dauchez forment autour de lui comme un véritable salon. Ils occupent en effet toute la Galerie Charpentier. Le maître Dauchez, autour de la personnalité duquel s’est faite cette manifestation, s’est modestement placé dans un coin de salle. On connaît son art poétique et sévère. Le paysage breton qu’il a choisi d’exposer cette année, représente, et c’est, dirait-on, par contraste avec le mouvement de sympathie qu’il a déchainé, un paysage désertique et désolé où toute trace d’humanité semble bannie. On dirait une leçon de stoïcisme, et c’est peut-être cela. »
— Jean-Gabriel Lemoine, 7 avril 1937, L’Echo de Paris